Projets
Thèse en préparation
« Division du travail et inégalités de santé : approche anthropobiologique de la vie quotidienne des femmes de l’époque contemporaine (XIXe et début du XXe siècles) »
Direction : Sébastien Villotte
Rattachement : Philomel - Initiative Genre de Sorbonne Université et Ecole Doctorale 227 (MNHN)
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La question du genre tient aujourd’hui une place prépondérante au sein des sociétés. Plus encore, lutter contre les inégalités qui découlent de ces constructions et qui impactent les domaines de la santé ou du travail est incontestablement considéré comme un enjeu majeur. L’égalité entre les sexes, dans tous les secteurs et à tous les niveaux, constitue à ce titre l’un des objectifs de développement durable fixé par les Nations Unies.
Identifier et analyser les processus qui discriminent et hiérarchisent les individus en fonction de leur sexe, et ce afin de remettre en cause les représentations et les pratiques aussi bien individuelles que collectives, est de fait devenu primordial pour les sciences humaines et sociales. Or, les rapports entre les femmes et les hommes changeant au gré des époques et des contextes, une étude transversale est indispensable pour mieux appréhender les mécanismes impliqués et lutter contre les stéréotypes. Comprendre la condition féminine actuelle nécessite donc de s’interroger sur son évolution au cours du temps en s’appesantissant spécialement sur les deux derniers siècles qui, marqués par de profondes transformations, ont vu l’avènement des sociétés industrialisées contemporaines.
L’implication des femmes dans le monde du travail a ainsi longtemps été et est encore dévalorisée, infériorisée voire invisibilisée par rapport à celle des hommes, notamment au cours du XIXe et du XXe siècles où elles apparaissent cantonnées à la sphère domestique. Le statut qui leur est assigné induit en outre une répartition différentielle des ressources, principalement du point de vue de la santé qui est un champ particulièrement impacté par les stéréotypes. Les femmes, qui n’occupent pas les mêmes positions que les hommes au sein de la société, ne sont donc pas exposées aux mêmes risques sanitaires et n’accèdent pas nécessairement de manière similaire aux soins. D’autant plus que le débat a longtemps été limité aux seuls domaines de la reproduction et de la sexualité et que la santé des femmes a été largement appréhendée à travers ces derniers même lorsque les pathologiques contractées ne relevaient pas de la santé génésique.
Concernant ces problématiques, la discipline archéo-anthropologique apparaît à même de fournir une contribution significative, car elle peut participer, à travers les caractéristiques biologiques, à mettre en lumière des réalités niées et oubliées, volontairement ou non, par les sources écrites, mais aussi à questionner des généralités prises pour acquises.
Le projet doctoral en anthropobiologie biologique mené au sein du MNHN vise de la sorte à étudier des squelettes de sujets contemporains (XIXe et début du XXe siècle) issus de séries ostéologiques de différentes aires géographiques (Belgique, Nord et Sud-Est de la France, Suisse) afin d’apporter un éclairage nouveau sur les inégalités de genre concernant la santé et le travail. Pour ce faire, l’analyse se concentre sur les marqueurs osseux d’activités (MOA) et les indicateurs squelettiques de santé (ISS) qui sont à même d’offrir des éléments d’informations et de réflexions quant à l’état sanitaire ainsi que la charge et la répartition de tâches des populations des deux derniers siècles. Les nombreuses sources archéologiques et historiques, les données environnementales, ou tout autre document jugé pertinent, sont aussi exploités conjointement pour reconstruire le contexte dans lequel interpréter et discuter les données anthropobiologiques de manière inclusive et pluridisciplinaire.
L’objectif principal de ce travail doctoral est conséquemment de produire une documentation inédite sur la vie quotidienne des femmes du XIXe au début du XXe siècle, en Belgique, en Suisse ainsi que dans le Nord et le Sud-Est de la France. Des avancées méthodologiques, mêmes mineures, sont également attendues concernant l’enregistrement des marqueurs osseux d’activité et des indices squelettiques de santé. En effet, l’identification des activités à partir des restes squelettiques demeure à ce jour relativement complexe et il n’existe pas, à proprement parler, d’étude portant sur la relation entre les deux types de stigmates osseux (MOA et ISS) au sein d’échantillons ostéologiques.