Les coprolithes de l'hyène des cavernes étudiés sur des sites français par nos collègues Jean-Marc Elalouf et Marie-Claude Marsolier

Afin d’obtenir des informations sur la diversité génétique et l’alimentation de l’hyène des cavernes, nous avons analysé l’ADN de coprolithes de six sites du sud de la France. Les sites correspondent à quatre grottes ardéchoises (Grotte‑aux‑Ours de Châteaubourg, Baume Néron et Trou‑du‑Renard de Soyons, Le Figuier) et deux grottes de l’Aude (Tournal, La Crouzade). Pour huit coprolithes de ces six sites, nous avons réalisé un séquençage global massif qui a livré à partir de chaque échantillon des lectures pour 60 à 250 millions de fragments d’ADN. La recherche de fragments du génome mitochondrial de 35 espèces animales, dont l’Homme, montre que l’ADN le plus abondant est systématiquement celui de l’hyène, ce qui valide l’identification des échantillons comme coprolithes d’hyène des cavernes. L’ADN d’autres espèces détecté dans les coprolithes indique la consommation par l’hyène de différents grands mamifères dont le cheval et le bison (Néron), l’ours des cavernes (Trou‑du‑Renard), le renne (Tournal) et le rhinocéros laineux (Le Figuier). Les raisons pour lesquelles les autres coprolithes ne livrent pas d’information sur l’alimentation de l’hyène sont discutées. L’analyse phylogénétique des séquences des génomes mitochondriaux d’hyène reconstruits à partir de l’ADN des coprolithes révèle la présence (Néron) d’un spécimen de l’haplogroupe B, détecté pour la première fois en France, alors que les autres spécimens appartiennent à l’haplogroupe A. La détermination de l’âge de trois coprolithes par la méthode du radiocarbone les situe à l’Aurignacien (Châteaubourg, 39 670‑38 000 cal. BP) ou au Gravettien (site de Soyons : Néron, 30 890‑30180 cal. BP ; Trou‑du‑Renard, 25 800‑25 290 cal. BP) suggérant, pour le site de Soyons, le possible remplacement durant le Gravettien de l’haplogroupe B par l’haplogroupe A. Nous montrons que l’haplogroupe A, constitué de génomes mitochondriaux d’hyènes des cavernes et d’hyènes tachetées actuelles, a une structuration plus complexe que celle envisagée précédemment. L’analyse des génomes nucléaires d’hyènes des cavernes et d’hyènes actuelles tachetées révèle une phylogénie différente de celle fournie par les génomes mitochondriaux. Les génomes nucléaires d’hyènes tachetées actuelles et d’hyènes des cavernes sont en effet répartis dans deux clades monophylétiques et, à l’intérieur du clade des hyènes des cavernes, le faible support pour le regroupement des spécimens en fonction de leur haplogroupe mitochondrial résulte probablement de flux géniques entre ces différents groupes et de tris de lignées incomplets.

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Les six grottes dont sont issus les coprolithes d’hyène.
(a) Grotte-aux-Ours de Châteaubourg (la flèche blanche, sur cette photo prise en 1966, montre l’entrée de la grotte dans la carrière). (b) Néron. (c) Trou-du-Renard. (d) Le Figuier. (e) Tournal. (f) La Crouzade.

Jean‑Marc Elalouf, Véronique Berthonaud, Bernard Gély, Anne‑Sophie Lartigot‑Campin, Marie‑Claude Marsolier, Anne‑Marie Moigne, Marie‑Hélène Moncel, Pauline Palacio, Delphine Plaire, Thibaud Saos, Thomas W. Stafford Jr. et Agnès Testu, « Étude génétique de la diversité et de l’alimentation de l’hyène des cavernes à partir de coprolithes de six sites du sud de la France », Quaternaire [En ligne], vol. 32/2 | 2021, mis en ligne le 01 juin 2021, consulté le 02 février 2022. URL : http://journals.openedition.org/quaternaire/15822 ; DOI : https://doi.org/10.4000/quaternaire.15822

Publié le : 02/02/2022 13:32 - Mis à jour le : 26/03/2024 14:03