PRISE DE POSITION DE L'UMR 7206 CONTRE LA LOI IMMIGRATION
Mercredi 6 mars 2024
Nous sommes membres du laboratoire Éco-anthropologie (UMR 7206, CNRS, MNHN, Université Paris Cité) qui a pour spécificité de réunir sciences de la vie et sciences sociales dans les murs d’une institution historique, le Musée de l’Homme. Son exposition permanente actuelle, largement adossée à nos recherches, valorise la diversité culturelle et biologique de notre espèce au sein du vivant. C’est comme scientifiques, instruit-es de l'apport de nos disciplines à la compréhension des mécanismes discriminatoires à l’œuvre dans les sociétés humaines que nous prenons position contre la loi dite « immigration ». L’esprit de cette loi, même après la censure du Conseil constitutionnel du 25 janvier dernier, continue à ancrer une représentation et des discours sur les étranger-ère-s qui vont légitimer des mesures xénophobes.
Nous condamnons les politiques discriminatoires et gestionnaires imposées au monde scientifique par l'exécutif et les parlementaires de la République, qui considèrent l’étranger-ère comme toujours a priori « indésirable ». Au-delà de l’implication humaine que nos travaux de recherche induisent, nous sommes amené-e-s à entretenir des collaborations étroites avec les chercheur-euse-s de nombreux pays. Leur accueil fait partie de nos besoins autant qu’il définit notre éthique. C’est l’ensemble de nos jeunes chercheur-euse-s qui font la richesse et la qualité de la recherche et de l'enseignement en France.
La situation à venir pour les étudiant-e-s étranger-ère-s demeure très inquiétante. Les mesures promulguées vont davantage complexifier un parcours administratif déjà épuisant et instaurer une forme de liberté conditionnelle. La mise en place d'un contrat sibyllin de respect des principes de la République pour l’obtention des titres de séjour, ainsi que la présentation aux parlementaires d’un rapport du gouvernement sur les visas étudiants accordés et rejetés renforcent encore l’arbitraire administratif. Par ailleurs, les dispositions censurées n'ayant pas été déclarées inconstitutionnelles au fond, la porte reste ouverte à ce qu’elles soient présentées dans une nouvelle proposition de loi.
Enfin, cette loi élaborée par des représentant-e-s politiques, dans des conditions démocratiques discutables et sans concertation avec les établissements d’enseignement et de recherche, qui accueillent des étudiant-e-s et chercheur-e-s étranger-ère-s, représente une atteinte profonde à la diplomatie internationale et aux valeurs humanistes qui nous animent au quotidien. Cette loi continuera d’accroître l’inégalité de traitement, la précarité et la stigmatisation de nos étudiant-e-s et jeunes chercheur-e-s, sans compter les conséquences lourdes sur leur santé psychologique et physique. La concrétisation de ces dispositifs qui attaquent les fondements des droits humains nous alarme et le retrait de cette loi régressive nous semble la seule option possible. Comme d’autres avant nous, nous rejoignons les collectifs académiques, les associations d’étudiant-e-s et appelons à la mobilisation.
Prise de position acceptée suite à un vote électronique tenu entre le 21 février et le 6 mars, ayant donné les résultats suivants :
Oui : 79,4% - Non : 15,9% - Ne se prononce pas : 4,7%